La première fois que j’ai entendu le bruit d’un geyser à la fin de la pièce Hjartað Hamast de Sigur Rós, j’ai réellement compris tout le potentiel de la musique électronique.
L’intérêt de l’électronique n’est pas de pouvoir reproduire des sons naturels, ni même d’en créer des nouveaux. Non, la raison principale à mon avis est la suivante : la dimension électronique apporte une conscience de soi à la musique.
Cette conscience de soi est la conscience des ondes, des fréquences, des modulations, des circuits électriques ou de l’électricité statique. La musique électronique met en évidence le fait que toute musique est physique et matériel.
Le geyser de Sigur Rós ne sonne pas comme un vrai geyser, c’est délibérément un geyser d’électrons.
Mais attention de ne pas confondre cette abstraction avec celle de la musique contemporaire : la musique contemporaine est principalement une abstraction technique du point de vue de la composition. Au contraire, le geyser de Sigur Rós est une quasi-abstraction du son, car c’est du courant continu et rien de plus.
Radiohead exploite bien ce concept dans Up on the Ladder quand il superpose délibérément un faible crépitement radioélectrique sur un segment de la pièce – à écouter entre 2:17 et 2:59 – qui rappelle la neige radiophonique de notre chère enfance… – et les tempêtes de neige de Buzz 99.9 à Montréal.
Bien entendu, des sons en soi ne font pas de la musique. Il doit y avoir une qualité esthétique et logique aux sons pour qu’ils engendrent de la musique. La force du crépitement de Radiohead est d’interrompre le flux normal de la pièce de façon lucide et « physique » sans perturber la musique en dessous.
Bref, pour moi, la beauté du concept tient à ce qu’elle rappelle cette nécessité qui existe dans la musique entre l’art et la physique.